Mali. Les homicides commis récemment dans le centre risquent de déclencher une catastrophe humanitaire

10 - 7 - 2020 0

Les attaques meurtrières commises par des groupes armés contre des civils dans le centre du Mali risquent de déclencher une catastrophe humanitaire, a déclaré Amnesty International le 8 juillet 2020.

L’organisation demande l’ouverture immédiate d’une enquête sur les homicides d’au moins 32 villageois perpétrés par des assaillants armés le 1er juillet, dans le cercle de Bankass, et appelle à renforcer la protection des civils. Si les attaques se poursuivent pendant la saison des pluies, qui atteint son point culminant en juillet et août, elles risquent de porter atteinte au droit au travail et au droit à la vie de nombreux agriculteurs.

« Les moyens d’existence d’une partie importante de la population du centre du Mali dépendent du travail effectué durant la saison des pluies. Le fait de laisser les civils, y compris les agriculteurs, sans protection face à ces attaques brutales pourrait provoquer une crise humanitaire, a déclaré Ousmane Diallo, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International.

« Les attaques délibérées visant des civils constituent des crimes de guerre et ne sauraient être tolérées. Il faut que les autorités maliennes enquêtent sur ces homicides et engagent des poursuites à l’encontre des auteurs présumés, afin que les victimes obtiennent justice. Elles doivent aussi respecter leur engagement qui consiste à lutter contre l’impunité et à faire en sorte que les personnes déclarées coupables d’atteintes aux droits humains commises dans le pays soient sanctionnées comme il se doit. »

Les attaques ont eu lieu dans les villages de Panga Dougou, Djimdo, Gouari et Dialakanda, qui font partie des communes de Tori et Diallassagou (cercle de Bankass). Selon les témoins avec lesquels Amnesty International s’est entretenue, les assaillants se déplaçaient en convoi (au moins 60 motos et véhicules armés). Ils ont attaqué en premier Panga Dougou, faisant au moins un mort. Ils se sont ensuite rendus à Djimdo, où ils ont tué 15 personnes, et à Gouari, où ils ont fait 16 autres morts et quatre blessés. Les attaques se sont déroulées le 1er juillet entre 16 heures et 19 heures. Les assaillants se seraient emparés de bétail et de motos dans ces villages, selon des proches des victimes interrogés par Amnesty International. Au moment des attaques, l’armée malienne n’était pas présente sur les lieux.

Une personne ayant survécu à l’attaque de Gouari a indiqué à Amnesty International :

« Les assaillants sont arrivés en convoi ; il y avait des dizaines de motos et de pick-up armés. Nous pensions que c’était l’armée parce que les hommes à bord des pick-up portaient des treillis militaires. Ils ont d’abord été salués par les villageois qui travaillaient dans les champs mais, au moment d’entrer dans le village, ils ont commencé à tirer sur eux. Certains villageois ont riposté en faisant feu mais la plupart ont été tués et d’autres ont fui. Les assaillants sont restés dans le village jusqu’à 19 heures et les militaires ne sont arrivés que vers 20 heures. »

La saison des pluies est la période la plus importante de l’année pour l’agriculture au Mali. C’est à ce moment que les agriculteurs sèment et font pousser une grande partie des plantes dont dépendent leurs moyens d’existence. Les violences intercommunautaires entre les pasteurs et les populations sédentaires, qui concernaient initialement l’accès aux ressources en terres et en eaux, mais alimentent de plus en plus un cercle vicieux de représailles, ont eu une incidence négative sur le cycle agricole ces dernières années.

Amadou Guindo, maire de Diallassagou, a indiqué à Amnesty International :

« De nombreux agriculteurs des communes de Diallassagou et de Tori n’ont pas cultivé leurs champs l’année dernière à cause des attaques persistantes. Ce sera probablement encore le cas cette année. Certains ont été tués dans leurs champs et cela pourrait aggraver encore davantage la situation humanitaire. Nous demandons le retour de l’armée et de la gendarmerie, qui ont été redéployées ailleurs depuis janvier. L’absence des forces de défense et de sécurité met en péril la population de Diallassagou, ainsi exposée à des attaques à moto dont les auteurs sont rarement identifiés. »

Une analyse indépendante a mis en évidence une corrélation étroite entre ces violences et l’abandon de zones cultivées dans le centre du Mali entre 2016 et 2019. Le cercle de Bankass, où ont été perpétrés les homicides du 1er juillet, est l’une des zones les plus touchées par ce problème dans la région de Mopti : 22 pour cent des terres agricoles y sont abandonnées.

Les personnes tuées à Gouari ont été enterrées le 2 juillet dans l’après-midi. Les assaillants sont ensuite retournés au village pour l’incendier, selon les témoins interrogés par Amnesty International. Le village a été totalement brûlé et de nombreux habitants se sont réfugiés à Diallassagou et Tori.

La situation en matière de sécurité s’est dégradée ces dernières années et le cercle de Bankass, où les homicides ont eu lieu, est l’un des plus touchés. Des groupes armés, comme le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) et Dan Na Ambassagou, et les forces de sécurité maliennes ont commis des atteintes aux droits humains en toute impunité.

Les attaques du 1er juillet ont été perpétrées au lendemain du renouvellement du mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), le 29 juin, à l’occasion duquel il a été demandé aux autorités maliennes d’accorder la priorité à la lutte contre l’impunité en cas de violations des droits humains et du droit humanitaire dans le centre du pays, en engageant des poursuites à l’encontre des personnes soupçonnées d’avoir participé aux massacres qui ont fait des centaines de morts depuis le début du conflit.

Le 30 juin, dans le communiqué final du sommet tenu à Nouakchott (Mauritanie), les membres du G5 Sahel ont affirmé leur détermination à prévenir les violences et à protéger les civils au sein de leur espace régional. Les chefs d’État se sont engagés à ce que toutes les allégations de violations commises par les forces de défense et de sécurité fassent l’objet d’une enquête et à ce que des sanctions soient prises, le cas échéant. En mai 2020, le conflit avait déjà entraîné le déplacement de 250 000 personnes sur le territoire malien.



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jeudi 21 novembre 12:32:04

 
 

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