Le nom du Premier ministre, capitaine de la sélection nationale, est tombé, faisant l’effet du champignon d’une bombe atomique. Pas l’ombre d’un doute que le Docteur Kassory Fofana, le capitaine reconduit de la sélection nationale, a mouillé le maillot. « On ne change pas le capitaine d’une équipe qui gagne ». C’est probable. Quant à « on ne change pas une équipe qui gagne » ce n’est pas gagné à tous les coups. Le capitaine a été reconduit. Mais la recomposition de l’équipe reste à faire, à défaire et à refaire. Tout le monde peut tenter sa chance. On a traversé l’étape du mouillage des maillots. Nous sommes maintenant à la phase du trempage des diplômes dans tous les encriers des hommes de lettres recommandées et femmes de courriers express. Pourvu que le diplôme arrive à destination, à temps dans de bonnes mains.
Quand la nouvelle est partie, j’ai eu l’idée géniale de me précipiter chez l’inamovible capitaine, armé de mes diplômes, certificats, attestations et tous bouts de papiers frappés du logo d’une université, écoles supérieures et semblables. Histoire d’être le premier à lui témoigner mon soutien, et peut-être qu’il se souviendra par la même occasion que j’ai été ramasseur de balles lors d’une finale au cours de laquelle j’ai rattrapé les balles perdues des trois buts ratés. Heureusement qu’il a brillamment remporté la victoire grâce aux tirs au but. Une autre fois, un cousin qui ne m’adresse plus la parole depuis le siècle dernier était l’arbitre de touche. Il a levé le drapeau contre le camp adverse. Solidarité familiale. Un pénalty en a découlé. Ce penalty a été transformé en but. Le but de qualification de notre équipe championne. J’étais dans les gradins parmi les applaudisseurs et faiseurs de bruits, armés d’outillages de musique et autres instruments de labourage.
Armé de diplômes, parchemins, notes de cours et de ces bons souvenirs, j’ai sauté dans ma voiture. Tiré dans mon costume taillé pour l’occasion. Direction la résidence du Premier ministre. La circulation devenait de plus en plus dense au fur et à mesure que nous approchions de la capitainerie. L’embouteillage est devenu bouchon. Les véhicules ne pouvant plus avancer, j’ai enfourché une moto taxi. Pas pour aller loin. Les piétons avaient envahi la rue. Les trottoirs ne pouvaient pas contenir cette marée humaine. J’ai fait comme tout le monde, continuer à pied.
L’HEURE DES DIPLOMES :
Me voici à la capitainerie. À l’heure des diplômes. Tout le monde est présent. Des diplômés sans emploi. Des employés sans diplômes. Des diplômes sans diplômés qu’il suffit d’acheter pour remplir au nom qu’il faut pour la place qu’il faut. Des têtes couronnées trainant avec des certificats de notoriété dans leurs portefeuilles ministériels. Des visages familiers portant des certificats douteux dans leurs sacs à dos directoriaux. Des noms connus drainant notes de cours dans leurs valises diplomatiques. Sans compter des profils célèbres avec des ‘’soit-transmis’’ dans leurs attaché-case d’hommes affairés.
Trois choses comptent dans le championnat des diplômes.
Premièrement, le pays de provenance. Le diplôme doit provenir d’un pays pour lequel on est prêt à sacrifier sa vie pour y arriver.
Deuxièmement, le nom de l’université. Le diplôme doit être délivré par une université connue de tout le monde. Il vaut mieux faire de petites études dans une université connue, que de faire de grandes études dans une université inconnue.
Troisièmement, parler avec l’accent du pays de provenance pour prouver que le titulaire a réellement séjourné dans le pays de provenance de son diplôme. Quelques petits conseils à ce sujet. Pour l’authentification des diplômes français, rouler le « R » à la PARIGOT. C’est suffisant pour donner de la valeur à n’importe quel bout de papier d’une université française. Pour les Etats-Unis d’Amérique, s’exprimer dans un anglais des Boss Playa du Hip Hop genre TUPAC ou SNOOP DOGG. Pour la grande Bretagne, parler à la manière d’un Bob Marley ferait l’affaire. Pour la Russie, ne vous avisez pas de parler le Russe. Cela rappelle la chute du Mur de Berlin et toutes les illusions que ladite chute aurait entrainées avec elle.
J’ai repéré quelques authentiques aventuriers qui cherchaient à faire valider leurs diplômes à la criée. Cet homme à la veste froissée qui roule les « « R » cherche à prouver qu’il a fait Paris. D’ailleurs, il a une photo pour le prouver. On le voit au pied de la Tour Eiffel. Plus discrètement en toile de fond, on aperçoit un chariot plein de balais et autres armes d’assaut des éboueurs de Paris. Les images ne nous permettent pas de dire avec certitude qui est conducteur de ce char d’assaut d’éboueurs. Si ce chariot n’est pas à lui, c’est peut être à l’un de ses frères de combat ou un compagnon de lutte qui a traversé la méditerranée pour atteindre la France, moitié à radeau, moitié à la nage. On dit qu’il a fréquenté de grandes écoles au pays de De Gaule. Il dit être titulaire d’une ATTESTATION DE LA SORBONNE, prouvant qu’il a été Technicien de Surface dans cette prestigieuse université Parisienne. Les mauvaises langues racontent qu’un technicien de surface est le terme civilisé pour « balayeur ».
Personne ne peut comparer un diplôme d’une université locale à une si valeureuse attestation d’une prestigieuse université. En tout cas, c’est ce que cherche à faire ce cadre supérieur en boubou amidonné. Il est titulaire d’une attestation de fin d’étude universitaire, délivrée par une certaine université locale, à une certaine époque, marquant la fin d’étude d’une certaine CAMPAGNE AGRICOLE de BMP (Brigade Motorisée de Production).
Une attestation durement conquise sur des campus de campagne comme celui de Kombonya, un village reculé de Faranah ou encore sur celui de Bamakaman, un village éloigné de Yomou.
Cet homme en ‘’blue jean’’ délavé fait son cinéma à l’américaine. Pour que tout le monde sache qu’il vient du pays de Donald Trump. Il ne peut TRUMP-per personne. Il est très fier de sa note de service de mise à pied de l’Université YALE. Videur de nuit dans un night-club, gardien de jour du parking de l’université, il a été surpris en plein sommeil, en plein jour à l’heure de travail. Son acte serait passé inaperçu, si son sommeil n’était pas accompagné d’un ronflement si fort qu’il aurait fait trembler la section vent du Bembeya Jazz National. À quelque sommeil, ronflement est bon. C’est grâce à ce ronflement que le « YANKEE » peut se vanter d’être titulaire d’une note de service par extension, tenant lieu de document officiel attestant qu’il a roulé ses bosses à YALE. Ce qui vaut son pesant d’or par ici.
La situation du sieur à la chaussure trouée est un peu désespérante. Il y a lieu d’être anxieux. Pour cause, il est titulaire d’un diplôme universitaire de très haut niveau. Son diplôme date du 2èmemillénaire. Le pays d’origine de son diplôme n’existe plus. Le nom a été littéralement rayé de toutes les cartes en ces débuts du 3ème millénaire. Ceux qui ont connu ce temps-là disent que le pays s’appelait la YOUGOSLAVIE.
Peu importe le niveau d’étude réalisée, la nature des cours effectués, ou le genre de diplômes obtenus. Ce qui compte, c’est le pays d’origine de l’université.
Toute situation semblable à la réalité de mon imagination est un faux hasard.
Moussa Cissé
Journaliste
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