La Guinée est un État partie au Statut de Rome. En tant que Procureur de la Cour pénale internationale (la « CPI » ou la « Cour »), je suis profondément préoccupée par les récents évènements dans le pays.
À l’approche de l’élection présidentielle prévue pour le 18 octobre 2020, je suis très préoccupée par les récentes informations faisant état de brutalités entre les partisans des divers candidats et d’affrontements violents entre les manifestants et les forces de l’ordre. Ces épisodes récurrents de violences électorales sont déplorables. Ils contribuent à perpétuer le cycle de la violence en Guinée. Il est urgent d’y mettre un terme.
Je condamne tout particulièrement les propos incendiaires tenus par certains acteurs politiques dans le cadre de leur campagne électorale, qui ont pour effet d’exacerber les tensions ethniques au sein du peuple de Guinée. Les dirigeants politiques ont non seulement le devoir de garantir un processus électoral transparent et pacifique, mais aussi d’empêcher et de dissuader leurs partisans de recourir à la violence, quelle qu’elle soit, avant et après le scrutin.
Comme je l’ai déjà fait lors des élections précédentes entachées de violences, j’appel au calme et à la retenue de tous les acteurs politiques et de leurs partisans. Les différends entre les candidats aux élections devraient être réglés par les autorités compétentes, dans le plein respect de la loi. À cet égard, je tiens à réitérer ce point important: toute personne qui commet, ordonne, incite, encourage ou contribue de toute autre manière à la commission de crimes visés par le Statut de Rome est passible de poursuites devant les tribunaux de la Guinée ou devant la CPI.
Par ailleurs, à l’occasion de la récente commémoration des événements du 28 septembre 2009, onze ans après les faits, je tiens à assurer les victimes de ces événements tragiques et leurs familles que nous ne restons pas les bras croisés. Mon Bureau continue d’insister pour que les autorités organisent rapidement le procès des accusés.
Je réaffirme mon soutien aux autorités guinéennes afin que les auteurs de ces événements tragiques rendent des comptes devant la justice et je me tiens prête à soutenir les initiatives nationales en vue de la tenue d’un procès équitable et impartial. Toutefois, si ces démarches tardent encore à se concrétiser dans les faits, alors il est également de mon devoir de demander l’ouverture d’une enquête par mon Bureau dans le cadre de l'exercice indépendant et impartial du mandat qui m'a été confié en vertu du Statut de Rome.
J’ai toujours considéré que la tenue de véritables procédures nationales, à proximité des victimes et des communautés touchées, pouvait contribuer aux deux objectifs ultimes du Statut de Rome: la lutte contre l’impunité et la prévention des crimes les plus graves.
Cependant, au stade actuel de la procédure en cours, et bien que je sois consciente des contraintes strictes imposées par la pandémie de Covid-19 sur le système judiciaire guinéen, je dois insister sur le fait que les retards à répétition dans l’organisation matérielle du procès, de même que le contexte politique actuel, ne sauraient servir d’excuses pour empêcher l’ouverture de ce procès tant attendu.
Au cours des mois à venir, la Guinée peut et doit prouver sa volonté de combattre l’impunité et de prévenir de nouveaux cycles de violence et sa capacité à le faire.
Le Bureau du Procureur de la CPI mène des examens préliminaires, des enquêtes et des poursuites à propos du crime de génocide, des crimes contre l'humanité, des crimes de guerre et du crime d'agression, en toute impartialité et en toute indépendance. Depuis 2003, le Bureau enquête sur plusieurs situations relevant de la compétence de la CPI, notamment en Afghanistan (qui fait actuellement l'objet d’une demande de sursis visée à l'article 18 du Statut de Rome), au Burundi, en Côte d'Ivoire, au Darfour (Soudan), en Géorgie, au Kenya, en Libye, au Mali, en Ouganda, en République centrafricaine (deux situations distinctes), en République démocratique du Congo et en République populaire du Bangladesh/République de l'Union du Myanmar. Le Bureau conduit également des examens préliminaires à propos des situations en Bolivie, en Colombie, en Guinée, en Iraq/Royaume-Uni, au Nigéria, aux Philippines, en Ukraine et au Venezuela (I et II), tandis que la situation en Palestine doit faire l'objet d'une décision judiciaire.
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